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Nous avons pu approcher Diego Lopez, président de la GFF, et il a accepté de répondre à nos questions. Voici donc l’interview !

Interview avec Diego Lopez de la GFF

Bonjour Diego Lopez. Pouvez-vous vous présenter et nous présenter la GFF ?

Bonjour et bonjour à tous les lecteurs d’HVAC Intelligence. Je suis Diego Lopez, et je suis président de la GFF depuis dix ans.

La GFF (Générale Frigorifique France) est le premier distributeur français de produits froid & clim, et pèse entre 100 et 110 millions d’euros en fonction des années et des événements climatiques.

Nous fêtons cette année nos 80 ans d’existence et nous servons 95% d’installateurs et 5% de petits fabricants. Notre marché est donc exclusivement BtoB, nous ne servons pas de clients finaux.

La GFF fait partie d’un grand groupe international, Beijer-Ref. Quels avantages  cela vous procure-t-il ?

Les avantages tournent surtout autour de la négociation. Beijer-Ref nous offre des leviers commerciaux et logistiques, notamment dans la négociation avec les fournisseurs. En tant que distributeur, 80% de notre business consiste à acheter des produits et à les revendre. Il s’agit donc d’un avantage certain.

Mais ce n’est pas le seul : si on est en rupture de produits on peut parfois se dépanner chez des distributeurs d’autres pays. Sur des nouveaux produits ou des exclusivités,  on dispose de documents commerciaux qu’il suffit de traduire pour lancer l’offre rapidement en France.

Parmi les obstacles que vous rencontrez, quels sont les plus importants ?

Les obstacles que l’on rencontre depuis deux ans proviennent surtout de la réglementation des fluides : ce qu’il est possible ou non de faire, si les produits sont disponibles ou non.

C’est très compliqué dans notre position de distributeur, parce que les producteurs de fluides, les constructeurs de composants et les fabricants de machines ne sont pas encore en phase.

Tout évolue : les fluides, les contraintes de consommation énergétique. A ce rythme on se demande combien il y aura de + après le A de la Classe Energétique d’ici quelques années.

C’est la course à tout, et c’est très compliqué pour les distributeurs. Par exemple, notre métier est d’avoir du stock. Il y a quelques années, la durée de vie minimale d’un produit était de 4 ou 5 ans. Aujourd’hui, de nouvelles gammes sortent presque tous les ans. Nous travaillons donc beaucoup plus en flux tendu.

Justement, sur cette question de la réglementation, où en est-on de la F-Gas ?

La première des mesures tenait à la réglementation des installateurs : il faut désormais détenir une attestation de capacité (ADC) pour manipuler du fluide frigorigène. Depuis le début de cette année, cette restriction s’est étendue aux systèmes préchargés qui nécessitent un raccordement sur site.

Chez GFF, nous respectons fermement cette réglementation et ne vendons donc les appareils de climatisation qu’à des installateurs titulaires d’une ADC. Mais on constate que certains grands groupes vendent encore à des installateurs sans ADC, ce qui est déplorable !

Sinon cette réglementation est une très bonne tendance pour le marché, parce qu’on devrait s’assurer à terme de la technicité des installateurs, on sera sûr que ce sont des gens formés et compétents. Ca permettra aussi peut-être de réduire le nombre d’installateurs du weekend.

Du point de vue des fluides, c’est très compliqué, notamment pour la réfrigération. Les HFO existent, mais les composants pour réaliser une installation complète ne sont pas tous disponibles. Par exemple, on a des compresseurs qualifiés pour le R448A ou R449A mais pas de détendeurs. C’est un peu comme si vous aviez une voiture, mais pas les roues.

Pour les applications basse température de petites puissances, quand on fait une vraie analyse technico-économique, on voit vite que le R404A reste encore la meilleure solution. On est en face d’un mur, et on ne sait pas trop quoi faire.

Du côté de la climatisation, avec l’arrivée du R32, on a le problème du stockage et du transport des produits inflammables. Tous les fabricants n’ont pas encore adapté leurs gammes, même si les fabricants de clim sont toujours mieux organisés que ceux de la réfrigération. Je pense que le R32 va monter en puissance, en 2016 d’abord, mais surtout en 2017.

Et les frigorigènes naturels dans tout ça ?

Je crois qu’il y a de la place pour tout le monde. Désormais il n’y aura plus un fluide miracle qui marche pour tout, mais plutôt un fluide par application.

Ça va compliquer le travail des installateurs, parce qu’il va leur falloir plus de bouteilles et plus d’outillage pour travailler avec tous les fluides.

Je suis sûr que les HFO seront toujours présents, les fluides naturels ne vont pas prendre tout le business et les remplacer complètement.

Vous avez établi un partenariat avec de nombreux fabricants, mais notamment avec le géant Coréen Samsung. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Bien sûr. Nous avons établi ce partenariat de distribution avec Samsung depuis environ cinq ans. L’idée est toujours de distribuer la gamme Samsung auprès des installateurs frigoristes.

Nous avons débuté avec la petite climatisation, puis on commence à faire la promotion de la gamme tertiaire. Samsung apporte beaucoup de produits innovants, dans le design comme dans la partie connectée : ils sont en avance sur certains points.

La marque n’a pas encore la même notoriété dans la partie clim que dans le secteur high-tech, mais elle met les moyens pour l’obtenir, notamment dans le domaine des services. La qualité de la hotline s’est beaucoup améliorée par exemple, et les clients commencent à le voir.

Samsung a traditionnellement une culture BtoC, mais a su s’adapter très rapidement et facilement au BtoB : on voit cette transition stratégique au BtoB avec la cassette 360, leur nouvelle innovation pour le tertiaire.

On a vu il y a peu la signature du traité de la COP21. Quel impact sur l’industrie ces mesures peuvent-elles avoir ?

Au niveau de la climatisation, je crois que ça peut être bénéfique. Il va y avoir de plus en plus de contraintes en termes de bruit, d’énergie ou de pollution. La climatisation peut se présenter comme une solution face à certaines des contraintes qui vont apparaître.

On arrive à maturation avec des contraintes qui peuvent relancer le business. Ça a été le cas avec l’interdiction du R22, qui a relancé les affaires dans la réfrigération. Il va y avoir beaucoup d’installations à remplacer, entre autres.

Aujourd’hui, les réglementations en Europe sont surtout mises en place par le public : l’Union Européenne et les États. Pensez-vous que le système américain, avec des lobbies comme l’AHRI, qui mettent en place leurs propres réglementations, pourrait nous offrir quelque chose ?

Il est évident que certaines règles décidées par les politiciens sont impossibles à mettre en œuvre. Je crois qu’il faut le meilleur des deux mondes, notamment en s’assurant de la possibilité de mettre en œuvre les mesures décidées.

Au ban des dispositions impossibles, on trouve par exemple le changement des règles concernant les bordereaux de suivi de déchets (BSD). Auparavant, lorsqu’un installateur que l’on appelait collecteur de petites quantités de part son activité, ramenait une bouteilles de fluide, il faisait un seul BSD.

Maintenant, il faut qu’il fasse un BSD pour chaque récupération de fluide, ça lui complique son quotidien et ça devient ensuite un vrai casse tête pour toute la chaîne logistique.

Les fabricants de fluide estiment que le nombre de bordereaux va augmenter d’environ 400 000 documents avec cette nouvelle règle ! C’est déjà difficile à gérer pour les grands groupes, même s’ils sont organisés, mais les installateurs indépendants risquent de se retrouver noyer par la paperasse.

On aurait par exemple pu travailler plus avec les syndicats, je trouve ça un peu dommage. D’autant que si la France met très vite en place les réglementations, ce n’est pas forcément le cas des pays voisins. Cela pose des problèmes de concurrence dans les zones frontalières : on se rend compte qu’on est désavantagés.

Sur ces problèmes administratifs, le digital ne peut-il pas être un secours ?

Je ne sais pas si je dirais secours, mais c’est un outil, c’est sûr. On va travailler de plus en plus avec, mais je vois plus l’impact à moyen terme qu’à court terme.

L’innovation est au cœur des préoccupations des acteurs du secteur, mais le grand public n’en est pas forcément informé. Pensez-vous qu’il faille faire des efforts dans ce sens ?

La première préoccupation des clients lorsqu’ils achètent une climatisation, c’est surtout l’esthétique. L’innovation dans la partie énergétique ou électronique des appareils est un peu du chinois pour les clients finaux.

Là où l’innovation est plus visible, c’est du côté de la dimension connectée des appareils. Les appareils se connectent en WiFi ou en Bluetooth, peuvent être contrôlés par des smartphones, etc. On ne communique pas encore assez sur ces aspects-là.

Samsung est très fort sur ce point : ils ont développé beaucoup de produits connectés et communiquent bien.

Je crois que le client final se moque des innovations technologiques. Il veut simplement un appareil qui consomme moins, fait moins de bruit et qui est joli. Les explications techniques intéressent moins que la dimension connectée, un peu plus « gadget. »

Diego Lopez, un dernier mot ?

Avec plaisir ! Je voudrais insister sur le fait que la clim est vraiment un business BtoB. Je reste préoccupé de voir des grandes surfaces se lancer dans la clim comme s’il s’agissait d’un produit blanc.

J’espère que toutes les nouvelles normes vont permettre de faire comprendre que la clim est un secteur technique et qu’il faut faire appel directement à un professionnel.

Sinon, les grandes surfaces sous-traitent à des installateurs en leur imposant des tarifs de pose qui ne leur laissent que peu de latitude pour faire leur marge. De fait la prestation d’installation est bardée de restrictions qui vont donner lieu à de nombreux litiges.

C’est un vrai risque de voir la qualité et l’image de la climatisation résidentielle tirées vers la bas.

Merci beaucoup à Diego Lopez, président de la GFF, de nous avoir accordé cette interview. Vous pouvez retrouver toutes nos interviews sur notre page dédiée.